Résumé :
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"Je vis avec deux moitiés qui constituent la Direction. Le moment est sans doute venu de vous en esquisser un bref portrait. J'ai découvert qu'ils ne vivent pas comme tous les couples: tous les deux restent à la maison. Normalement, à ce qu'on m'a dit, les gens quittent leur logis de mauvaise humeur peu après le petit déjeuner pour aller travailler. Ils ont des bureaux où ils se consacrent à des activités importantes et sérieuses telles que réunions, paperasserie, et je ne sais quoi encore. Ce n'est pas le cas chez nous. On évite tout véritable emploi, et je me demande parfois pourquoi. Madame me paraît tout à fait capable, notamment dans le domaine culinaire: j'aurais cru qu'un travail régulier dans une cantine ne dépasserait pas ses possibilités. L'autre moitié, hélas, ne possède pas de dons apparents. J'ai observé, au long des années, ses tentatives pour jardiner ou pour s'adonner à de menues tâches domestiques. Elles se terminent généralement dans la douleur ou l'effusion de sang. Il se blesse avec des tournevis, des pelles, des sécateurs. Il se brûle les doigts avec des ustensiles de cuisine. La maladresse avec laquelle il manie des objets lourds l'amène à se briser l'orteil. Une giclée mal dirigée d'insecticide pour les rosiers provoque une cécité temporaire; et ce ne sont là que quelques-unes des catastrophes auxquelles il s'expose. Dieu merci, il ne chasse pas. Il n'est pas habile de ses mains, à part une certaine aptitude à utiliser le tire-bouchon..."
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