Résumé :
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Elle est belle, il est cultivé. Elle est journaliste, il est éditeur. Ils ne sont pas riches mais ont reçu en héritage une pièce d'un auteur tchèque. Sybil et François s'aiment jusqu'à faire l'amour face à un miroir, dans le ventre d'un théâtre parisien. Comme toujours au début d'un roman de Sagan, le monde a l'air de tourner rond: les producteurs sont cousus d'or, les rédacteurs en chef invisibles et les patrons de presse dépensiers. Même les intellectuels paraissent sincères et chaleureux. Jusqu'à ce que tout, évidemment, bascule un de ces jours que l'on croit ordinaires, un de ces jours qui prennent le hasard au vol et la logique à rebours.
L'ange du destin aura les traits de Mouna, riche veuve d'un industriel allemand, ancienne actrice d'une cinquantaine d'années. Armée d'un forcément traître «cocktail Bismarck», Mouna, «et son inflexible odeur de soie repassée encore chaude», réussit à mettre François dans son lit. Mais surtout récrit la pièce. Sybil et François ne rompront pas pour cette passade. Ils rompront pour avoir égaré, quelque part dans un miroir, leur vérité intime; pour une pièce tchékhovienne trahie et transformée en une farce à la Feydeau.
Si certains avaient pu croire - pas toujours à tort, d'ailleurs - que le charmant petit monstre cher à Mauriac ne vendait plus ses œuvres que sur sa réputation, Le Miroir égaré constitue le meilleur des démentis. Avec une minutie de chirurgien, Sagan, l'air de rien, déshabille les âmes de leur gangue d'idées reçues, de leurs oripeaux ordinaires, pour en révéler la nudité. Ne reste plus, alors, qu'une huile essentielle de sentiments. Bons ou mauvais. L'autre charme de ce texte - et ce n'est pas le moindre - tient à son gai désespoir. Françoise a pour le lecteur des attentions d'un autre temps: elle nous offre un ciel d'été à l'orée de l'hiver, un Paris aux subtils parfums de nostalgie et, ici ou là, quelques baisemains furtifs, sans ostentation aucune. Sagan ou l'élégance absolue.
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